Nous avons tous des étudiants préférés et d’autres, disons... moins préférés. Avec certains, il faut presque tirer les mots de leur bouche pour obtenir une réponse simple comme “oui, ça va, il fait beau aujourd'hui”. (Silence). “Et qu'as-tu fait pendant le weekend ?” - “Rien”. Ces silences lourds, où l'on perçoit presque un soupçon de reproche, comme si notre enseignement était le frein à leur progrès. Certes, il n'a jamais fait ses devoirs depuis 2 ans, mais il ne voit pas le lien !
Avec d'autres, le temps passe à toute vitesse et on a l'impression de passer un bon moment, comme avec un ami autour d’un verre un samedi après-midi. Prenons l'exemple de ...
Carlos, 82 ans (!)
Carlos est à la retraite depuis 15 ans et a du mal à se faire à cette idée. Toujours actif, il a mené une vie bien remplie entre son travail, le bénévolat et de nombreux voyages. Carlos sait ce qu’il veut : la grammaire, qu’il a étudiée au lycée il y a 60 ans, ne l’intéresse pas. Il veut avant tout parler, parler, parler ! Il commet toujours les mêmes erreurs, ce qui l'agace, alors il préfère les ignorer. J'ai fini par arrêter de le corriger, ce n'est pas grave - Carlos parle déjà très bien français, il lit Camus et Amélie Nothomb avec un plaisir évident. Moi aussi, j'éprouve un immense plaisir à ces échanges, même s'il me laisse à peine placer un mot !
Cree, 28 ans, une éternelle étudiante de français.
Cree, après sept ou huit ans dédiés à l'apprentissage du français, a atteint un niveau B1. Il lui arrive d'oublier parfois une règle basique ou la conjugaison d'un verbe du 3e groupe. Il faut admettre que les résultats, malgré l'effort considérable investi, restent relativement modestes. Pourquoi ? Difficile à dire. Le français est sa première et seule langue étrangère. Elle vit dans un milieu anglophone où il n'est pas nécessaire de parler une autre langue. Titulaire d'une licence en mathématiques, les langues, même sa langue maternelle, n'ont jamais été son fort. Mais Cree fait son travail simplement et semble très contente de me voir le vendredi à l'heure du déjeuner (son seul créneau disponible). Et moi, j'aime travailler avec elle : elle est souriante, sérieuse et consciencieuse. De mon côté, je fais tout mon possible : exercice de "drill", d'automatisation, des révisions régulières.
Neil, 35 ans, un exemple vivant de détermination.
Neil vient d'un milieu défavorisé de Liverpool. Ouvrier d'usine, il est le premier de sa famille à obtenir un diplôme d'études supérieures. Je connais son histoire, car aujourd'hui, il est en mesure de me la raconter aisément en français, sans aucune difficulté. Lorsqu'il m'a contacté il y a 3 ans, il connaissait juste des expressions comme “bonjour” ou “Voulez-vous coucher avec moi” ;) Mais Neil s'est lancé un défi personnel : maîtriser la langue française. Il n'en a pas besoin pour son travail ni dans sa vie familiale. C'est sa passion, tout simplement. Après 20-25 heures de travail , il a acheté un Bescherelle et a commencé à étudier la conjugaison seul, à la maison, pour “ne pas perdre de temps”. Nous avons réalisé le programme A0-A2 EspaceProfFLE (Axe des activités) en moins d'un an ! Depuis, il ne lit qu'en français, ne regarde que des films en français. Il m’envoie des messages sur WhatsApp du genre : “ Comment dit-on : Get lost, man! ? ” :D
Mon étudiant idéal est également celui qui règle toujours ses cours à temps, annule rarement, voire jamais, et fait preuve de compréhension lorsque, de mon côté, j'ai besoin d'annuler. Cela va sans dire :) Mais ce qui m'attire le plus chez certains étudiants, c'est leur passion. Je ne sais pas d'où elle vient, mais je l'admire.
Et vous, quelles sont les étincelles qui éclairent vos journées d'enseignement ? Avez-vous un profil d'étudiant qui vous inspire particulièrement ?
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